Les chatbots à tout faire doivent-ils être remisés au placard?
Les attentes autour des chatbots sont aussi grandes que les désillusions
De véritables attentes se cachent derrière la tendance des chatbots. Les clients souhaitent ainsi :
- Des services rendus quand ils en ont besoin et non quand l’entreprise est ouverte
- Avoir des réponses simples à des problèmes simples
- Disposer d’un accompagnement pertinent : plus d’autonomie quand cela est possible mais aussi des réponses adaptées (ce qui peut s’avérer plus simple que fournir des réponses personnalisées)
- Quelque-chose de facile d’utilisation. Si les application mobiles, intrusives et difficiles d'utilisation sont rejetées ceci n’implique en rien une adoption des chatbots. C’est là que l’on retrouve un paradoxe. Une bonne partie de la population française ne maîtrise pas les outils « numériques ». De nouveaux termes sont même trouvés pour désigner cette nouvelle forme de handicap dans un monde hyperconnecté, comme le « dysnumérisme » (ces francais en souffrance face a leur ordinateur). SI l’on peut penser que la population concernée est majoritairement âgée, une étude montre que toute la population française est « touchée » : 13 millions de francais en difficulté avec le numérique (sociéténumérique.gouv.fr). Il y a donc un vrai besoin de rendre plus accessible et intuitive l’interaction avec les Systèmes d’Information.
Comment investir efficacement pour améliorer l’expérience utilisateur ?
1 - Passer ses processus au "CHAUD"
Faire la même chose avec une technologie différente n’apporte (presque) pas de valeur. Le remplacement d’options d’un serveur vocal interactif par une reconnaissance de langage naturel approximative peut même au passage dégrader l’interaction avec le client. Au même titre, le simple remplacement de contenu statique (d’une page web ou d’une application mobile) par un chatbot ne suscitera pas plus d’adoption. Il est nécessaire de repenser les parcours utilisateurs dans leur globalité :
- Complémentarité : Identifier comment se complètent les différents services et les options technologiques disponibles (ex : mise en place de moteurs de recherche) en partant du principe qu'une solution unique est potentiellement signe de fausse route
- Humain : Remettre les individus au centre du dispositif; l’utilisateur, mais aussi le professionnel métier dont le rôle devient de plus en plus important
- Architecture : la valeur d'un service repose sur la donnée et les fonctions métier apportées par ce service. Une cohérence d'ensemble avec l'architecture du SI de l'entreprise et de son écosystème est ainsi vitale
- Utilité : Se (re)poser la question de ce qui est utile à l'utilisateur en fonction de son point d'intéraction (action, moment de vie...) en plus de son utilisabilité
- Différentiateur : et enfin rechercher les véritables éléments qui vont faire en sorte que votre service sera, soit plus adopté que ceux de la concurrence, soit positifs dans l'expérience utilisateur, par rapport à la concurrence ou à la situation actuelle de vos services.
2 - Repenser les interactions
Rajouter un niveau de traitement automatique du langage naturel (NLP) est un premier pas vers une interaction plus efficace. Il ne s’agit toutefois pas d’essayer d’imiter un agent humain avec un chatbot. Il a en effet été démontré (cf. étude du MIT 2018) que plus l’agent conversationnel était complexe, plus le malaise de l’utilisateur pouvait être important.
Les moteurs de chatbots deviennent des commodity. Peut-être est-il temps de basculer vers une utilisation encore plus naturelle en utilisant des interfaces conversationnelles existantes (Amazon echo, Google home…).
Permettre les usages sur ce type de canal est par ailleurs bénéfique quel que soit le canal utilisé. Les services et workflows sous-jacents doivent ainsi être simplifiés :
- par la limitation du nombre de paramètres
- en réduisant la complexité des échanges, par la récupération préalable du contexte utilisateur par exemple
- en repensant les services dans une logique microservices et/ou Domain Driven, tout en distinguant les types de points d'interaction (transactionnels, recherche d'information...)
- Enfin, en adoptant une stratégie de Search Engine Optimization (SEO) pour les recherches vocales, en optimisant notamment le référencement pour les "Featured snippets".
3 - Maîtriser le sujet
Tout le monde revendique maintenant faire de l’Intelligence Artificielle (que l’on parle de Machine Learning, de réseaux de neurones, d’arbres de décision…). De nombreuses startups se sont engouffrées sur le secteur.
La plupart des entreprises se sont lancées sur des expérimentations. Elles doivent maintenant faire face à deux problèmes majeurs :
- S’approprier la technologie: Le transfert de compétences peut s’avérer complexe. Ceci diminue d’autant la capacité à dépasser le cadre de la fonction « cosmétique ».
- S’approprier les concepts: on ne le dira jamais assez, il n’existe rien qui soit « de l’IA ». Un projet de chatbot ne permet pas de « cocher la case » d’un plan stratégique IT et encore moins métier. Il existe une multitude de solutions sous la bannière de l’IA et les questions clefs à se poser sont autour de la connaissance à partager (http://food4thought.fr/en/ai-cognition-loop/).
Mais comment tout a déraillé ?
La promesse d’expérience utilisateur n’est pas tenue
Force est de constater qu’il faut trop souvent des compétences informatiques pour utiliser un chatbot. Il faut savoir parler son langage en utilisant les bons mots clefs. Et il faut également deviner ce qu’il est capable de faire dans le contexte ou la page donnés. Prenez par exemple le chatbot « ratp itinéraire » ci-dessous, qui sait tout faire sauf la recherche d’itinéraire!…
Beaucoup n’ont pas ciblé le bon public
Il est plus facile d’utiliser un « langage codé » pour un usage interne à l’entreprise, pour du partage d’information entre experts métier et un réseau d'agents. Dans ce cas les chatbots peuvent apporter de la valeur en s’appuyant sur des technologies de recherche. Malheureusement, beaucoup de directions marketing se sont emparées du sujet en priorité, aboutissant souvent à un rejet de la part des clients. Les chatbots « internes » affichent au contraire un succès relatif.
La technocratie ne résout pas les problèmes humains
Le chatbot n’a pas échappé à la règle de toute nouvelle technologie (encore qu’en réalité les chatbots ne soient pas nouveaux -une courte histoire des chatbots-), tous les espoirs ont été mis sur cette unique technologie. Beaucoup de projets « cosmétiques » ont ainsi été lancés. La véritable valeur pour les utilisateurs n’a la plupart du temps que peu ou pas du tout été recherchée. Le retour à la réalité se fait sentir dans beaucoup de secteurs, en particulier en banque et assurance.
La relation client est toujours considérée aujourd'hui comme un centre de coûts
Comme beaucoup de projets d’innovation, les gains potentiels sont difficilement quantifiables. Une augmentation de la satisfaction client résulte de nombreux facteurs. Un accroissement de la fréquentation ou des ventes dépend également de campagnes marketing efficaces… Au contraire, la réduction des coûts de support est parfaitement prédictible et mesurable. Il n’est pas surprenant que la priorité soit ainsi mise sur l’automatisation de tâches à faibles valeur, plus que sur une véritable interface enrichissante.
Vu du fournisseur de produits et de services : « Je suis en retard, tout le monde le fait déjà ! »
Beaucoup de points de vues (à défaut de se baser sur des études chiffrées menées de façon méthodiques et représentatives) nous annoncent que la plupart des entités métiers veulent mettre en place des chatbots.
Dans cet exemple, le marché des chatbots en dix chiffres clés , on nous explique que 80% des entreprises utiliseront des chatbots pour leurs interactions client d’ici 2020 (reprenant un rapport de 2016 de Business Insider dont les sources restent obscures, mais peu importe, le titre est accrocheur).
Vu du particulier : « Tout le monde les utilise, je dois vraiment ne rien connaître au digital ! »
"Internet et beaucoup d’études le disent : tout le monde aime les chatbots". Mais quelle est votre impression personnelle ? Vous aurez peut-être eu la chance d’en avoir utilisé un « pas si mal » en remplacement d’une recherche dans une FAQ mal conçue. Mais dans la grande majorité des cas, ce ne sera qu'un popup encombrant de plus, dont vous aurez testé la capacité de réponse aux insultes (si si, tout le monde l’a fait au moins une fois…).
La réalité est donc plus nuancée que ce que les différents fournisseurs de solution font miroiter (les internautes réservés sur l'intérêt et l'intelligence des chatbots).
Bien peu de monde est en réalité satisfait d’avoir à faire à un chatbot. C’est aujourd’hui à internet ce que le serveur vocal interactif était au téléphone. L’objectif premier n’est pas d’améliorer l’expérience utilisateur, mais de réduire les coûts d’opération, au détriment même de cette expérience. Notons d’ailleurs la conclusion de cette étude "oui les chatbots sont incroyablement efficaces mais vos clients les détestent", « 90% des entreprises consultées admettent que créer une meilleure expérience client n’est pas l’une de leurs priorités ».
Ces projets ont tout de même (eu) du mérite…
Nous arrivons à un tournant. Une nouvelle fois, les différentes direction (des SI ou marketing) se rendent compte que la technologie ne fait pas tout. Face aux difficultés de mise en place, de premiers éléments fondamentaux d’expérience utilisateur sont revenus sur le devant de la scène. Les FAQ interminables et désordonnées sont clarifiées. Au passage les vraies questions des utilisateurs sont mesurées afin de cibler les zones d’attente. L’illusion d’une intelligence artificielle rendant obsolète les agents humains s’efface (les consommateurs agacés par la bêtise artificielle) au profit de réelles réflexions sur la place de l’humain dans l’expérience utilisateur.
Il faut maintenant passer du "Proof of Concept" à un véritable "Minimum Viable Product" qui ne soit pas juste un buzzword marketing de plus pour lancer des développements.
Pour plus d'informations sur les leviers pour repenser l'architecture du SI et avoir une véritable intégration transformante de l'IA dans vos processus métier, consultez l' article suivant : http://food4thought.fr/en/ai-cookbook/
>(A venir) Pourquoi insulter un chatbot fait du bien